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20-Abd El-Kader

Cependant, les atermoiements de la métropole et l'égoïsme des intérêts par­ticuliers nuisent gravement à cette pre­mière période de la colonisation. Les campagnes n'assurent que des résultats précaires, et la pacification est toujours à recommencer. La résistance indigène prend la forme de guerre sainte, et, en Oranie, un jeune chef nommé Abd el-Kader se met à la tête des tribus ré­voltées.
Fils d'un marabout vénéré, chef de la tribu des Hachem, Abd el-Kader a grandi près de Mascara. Il reçoit une solide instruction coranique et fait le pèlerinage de La Mecque. En 1832, à la suite des remous causés par la domina­tion au beylicat d'Oran d'un prince tunisien dévoué aux Français, il prend les armes aux côtés de son père et attaque Oran. La bravoure du jeune homme, son intelligence, sa foi, la magie de sa parole le font choisir pour émir. Son investiture est accompagnée de toutes sortes d'oracles destinés à impres­sionner ses fidèles. Le jeune émir organise une armée régulière, lève l'impôt, menace les tribus récalcitrantes. Il a l'étoffe d'un fondateur d'empire, mais il n'est encore qu'un chef de tribu, contesté à Tlemcen, ignoré à Mostaganem, combattu à Arzew. C'est alors qu'un officier supérieur fraî­chement débarqué, le général Desmi­chels, passant par-dessus l'autorité du commandant Voirol, propose au ministre de la Guerre d'engager des pourparlers de paix avec l'émir. Celui-ci ne répond d'abord pas aux avances; puis, devant l'insistance de Desmichels, il annonce aux marabouts et chefs de tribu que l'ennemi demande la paix, c'est-à-dire qu'il renonce à la guerre! Le traité, établi en février 1834, proclame l'arrêt des « hostilités », et par clause secrète, ignorée du gouvernement, Desmichels assure le droit à l'émir de se ravitailler en poudre et en armes dans les villes françaises. Hier chef de tribu, l'émir est aujourd'hui traité en « commandeur des croyants »; il parle au nom d'un peuple et devient le seul interlocuteur du roi des Français.
Dans sa hâte de « faire tourner au profit de la France la puissance de l'émir », Desmichels vient   de   renforcer   considérablement cette puissance. Abd el-Kader rallie alors les hésitants, entreprend des travaux de fortification autour de sa capitale, Mascara, se révèle un excellent, administrateur. On reconnaît son auto­rité jusqu'à Alger.

Le traité n'a en fait réglé aucun problème et la guerre sainte reprend de plus belle. Les affrontements se succèdent : les Français subissent une grave défaite dans les marais de la Macta (juin 1835), défaite vengée par le maréchal Clauzel, qui prend et détruit Mascara. Puis ce sont de nouveaux succès d'Abd el-Kader, à l'embouchure de la Tafna, où le général d'Arlanges s'est laissé bloquer, alors qu'il voulait ravitailler Tlemcen. Devant cette situation critique, Louis-Philippe décide d'envoyer des renforts sous le commandement de Thomas Robert Bugeaud   de  la  Piconnerie.

19-Un Legs Encombrant

Le 5 juillet 1830, le dey signe sa capi­tulation, et Bourmont entre dans la ville. Les musulmans ne résistent pas : le traité leur garantit la liberté religieuse et le respect de leurs biens. Les marchands, résignés, se sont assis devant leur bou­tique pour voir passer la troupe qui se fraie, sans solennité, un chemin dans la ruelle encombrée.
Le 7 juillet, Bourmont reçoit le dey et lui offre toutes facilités pour se retirer à Naples, accompagné de son harem. Les janissaires l'y rejoindront. Puis il fait occuper Bône et Oran. Le trésor de la Casbah, qui couvre largement les frais de l'expédition, est chargé dans des caisses scellées et acheminé vers la France.
Reste à savoir ce qu'on fera de la con­quête. La nouvelle de la prise d'Alger est accueillie avec joie à Paris, mais les tumultueuses « journées de juillet » détournent bientôt l'attention. Charles X s'est enfui. Louis-Philippe monte sur le trône. L'Algérie est un legs encombrant dont les partis, la presse, les membres de l'opposition discutent fébrilement l'utilité. La France doit-elle sacrifier ses fils pour un pays sans eau, mangé par la brousse, brûlé de soleil? L'opinion, ignorante des réalités maghrébines, est partagée. Bourmont, peu populaire, reçoit l'ordre de rentrer à Paris tandis que le général Clauzel part pour Alger, avec la mission de s'en tenir à une «occu­pation restreinte  ».
Pendant plusieurs années, la monarchie de Juillet va osciller, au gré du vent parlementaire, entre des plans de conquête définitive, d'occupation restreinte ou de complète évacuation.
De 1830     jusqu'à  l'arrivée de  Bugeaud  en 1840, huit gouverneurs se succèdent en Algérie, dont les projets, parfois ingénieux, souvent utopiques, auront surtout le tort de  se contredire. En 1834,  une commission  se  prononce sans enthousiasme  pour  l'annexion  des territoires de l'ancienne  Régence.

Dès octobre 1830, Clauzel crée un corps de zouaves encadrés par des officiers français comme Lamoricière ou Cavaignac. Cette formation indigène d'élite va courir de succès en succès, et son uni­forme — culotte garance, veste bleu fon­cé,  chéchia deviendra  célèbre.   En 1831       sont également créés  deux régi­ments de   cavalerie   légère,   les   chasseurs d'Afrique et les spahis. En 1833, Avizard constitue les « bureaux arabes », chargés de nouer de bonnes relations avec les indigènes et appelés à d'impor­tants développements sous Bugeaud.

18-Un Coup De Chasse-Mouches

D'autant plus impitoyable qu'elle se sent menacée, la Régence durcit sa pression. Elle compense ses déficits sur mer par de terribles exigences fiscales, et cer­taines tribus, réduites à la mendicité, sont en état de révolte permanente. Les confréries religieuses, très influentes, poussent à la résistance. La haine du régime est générale. À l'extérieur, les puissances européennes supportent de plus en plus mal de voir leur autorité narguée par une bande d'aventuriers; les unes et les autres envisagent une intervention militaire. En 1808, Napo­léon a même mis au point un plan de débarquement. Entre la France et la Ré­gence, les relations se tendent : bateaux capturés, comptoirs pillés. Une affaire commerciale va servir de prétexte à l'expédition d'Alger. Ravitaillée en blé par la Régence pen­dant la révolution de 1789, la France du Directoire doit quelque 2 millions de francs à ses fournisseurs, deux Juifs livournais, Bacri et Busnach, qui ont servi d'intermédiaires. La facture s'enfle démesurément au cours des ans et atteint 24 millions à la chute de l'Empire! Une négociation amorcée sous Louis XVIII fixe le solde à 7 millions. Criblés de dettes, Bacri et Busnach reçoivent 4 mil­lions, tandis que le dey, dont les besoins d'argent sont pressants, réclame à son tour sa part, en tant que créancier des Bacri : les grains n'appartiennent-ils pas à la Régence?

Nouvelle procédure, nouvelles forma­lités. Hussein se plaint des lenteurs et des complications du droit français, persuadé qu'on le gruge. Et le 30 avril 1827, alors qu'il reçoit le consul de France Deval, exaspéré, il frappe son hôte d'un coup de chasse-mouches. Deval ne bronche pas sous l'insulte, mais il adresse le soir même une note à Paris pour qu'on donne à cette affaire « la suite sévère et tout l'éclat qu'elle mérite »! La réparation tarde à venir. La France envoie bien l'amiral Collet et son esca­dre exiger des excuses, Hussein ne répond pas. On établit un blocus mari­time; le dey riposte en attaquant les comptoirs. Seul un débarquement de troupes intimiderait la Régence. Mais à Paris, beaucoup de ministres sont hos­tiles : on craint des complications diplo­matiques avec les Anglais. Paris envoie messager sur messager à Alger, mais le dey, dûment chapitré par les Anglais, refuse tout geste de conciliation. Plus grave : il canonne le vaisseau du com­mandant de La Bretonnière, tandis que celui-ci remonte à son bord, après l'échec des négociations. Le commandant a le sang-froid de ne pas répondre. Mais cette fois, Paris ressent gravement l'outrage. Dédaignant les menaces de l'Angleterre, qui craint surtout un suc­cès français en Méditerranée, le roi Charles X ordonne, le 7 février 1830, une expédition contre la Régence : un succès militaire redonnerait un peu d'éclat à sa politique. Et le 14 juin, 36 000 hommes, sous le commandement du général de Bourmont et de l'amiral Duperré, débarquent à Sidi-Ferruch. Les premiers engagements sont acharnés, et c'est l'artillerie française qui emporte la décision. Le 4 juillet, les batteries ouvrent le feu sur Fort l'Empereur, la dernière défense avant Alger. Soudain, une énorme détonation : les Algériens ont dynamité leur forteresse. Dès lors, la ville, en contrebas, ne peut plus tenir.

16-L'Assassinat, Procédure De Succession

Notes diplomatiques, menaces, canonnades, cadeaux : les Européens essaient par tous les moyens de faire respecter leurs pavillons. Mais devant l'inutilité de leurs efforts, les gouverneurs finissent par acheter leur tranquillité au prix de bons écus et par nouer des relations commerciales! Le pape lui-même paie un lourd tribut. Quant à la France, elle a fondé, dès 1561, un comptoir près de Bône pour l'exploitation du corail et installé des consuls. À Collo, à La Calle, la Compagnie d'Afrique procède pour son compte à des importations de céréales.
Cependant les affaires de la Régence déclinent, au XVIIIe siècle. La course rapporte moins, car les bateaux euro­péens, dotés de perfectionnements tech­niques, apprennent à se défendre. Constantinople, de son côté, cesse d'en­voyer des janissaires, et Alger doit recru­ter ses hommes dans la pègre des ports méditerranéens.

Le pouvoir a changé de mains : une première réforme a remplacé le puis­sant beylerbey par trois pachas, sortes de fonctionnaires renouvelables tous les trois ans, sans autorité réelle et soucieux de s'enrichir. En 1671, une seconde réforme supprime le régime des pachas et confie le pouvoir central à un dey, tandis que la Régence est divisée en trois provinces (Médéa, Oran et Constantine), sous l'autorité d'un bey. Nommé à vie par le divan, le dey n'est qu'un souverain potiche entre les mains des corsaires et des janissaires. Enfermé dans la cage dorée de son palais, la Djenina, il est constamment surveillé par Podjak qui, pour obtenir une augmen­tation de solde, peut déclencher une révolution. L'assassinat devient la pro­cédure régulière de succession, si bien que les candidats à la charge suprême se font de plus en plus rares. Certains deys ne régnent pas plus de quinze jours, et les changements s'effec­tuent dans le sang, le jour de la paye. Un janissaire étrangle le dey tandis que ses camarades poursuivent les fidèles du défunt dans les corridors du palais. Le pavillon rouge est hissé au-dessus de la Djenina tant que dure la révolution : les Algérois, en entendant les coups de feu, ferment leurs boutiques, et les Juifs se barricadent dans les synagogues, car chacun sait que les janissaires, lâchés dans les rues, vont tout piller. L'émeute s'achève lorsque le nouvel élu a procla­mé hautement qu'il doublait la solde. Alors, on lave le palais à grande eau, on ôte les cadavres et on hisse l'étendard vert. À partir de 1817, le dey Ali Khodja abandonnera la Djenina aux janissaires pour se réfugier avec le trésor dans la forteresse   bien  gardée  de   la  Casbah.

16-Une Guerre De Rapines

Sans la course, sans l'audace de ces grands pirates que furent les Grecs Barberousse, le Sicilien Euldj Alï (bey d'Alger jusqu'en 1588), Dragut, Hami-dou..., jamais la Régence n'aurait existé. Car tout dépendait du butin, depuis la solde des janissaires jusqu'à la pitance de   l'ânier.

Sous prétexte de guerre sainte, la course est en fait une guerre de rapines. Les corsaires commencent par recruter des équipages rompus à la mer et arment leurs bateaux (galères à un mât, gréées d'une large voile, chebecs à trois mâts avec voiles latines, ou encore, au XVIIe siècle, vaisseaux ronds de haut bord, munis de bouches à feu). Puis vient le jour du départ : on visite un marabout qui donne sa bénédiction et prie pour que les vents soient favorables. Hors du port, la bannière précieuse de la Régen­ce est remplacée par les couleurs d'une puissance européenne. La chiourme des forçats pousse la galiote à la rame, vers les côtes de Naples ou de l'Adriatique : point de voile pour trahir leur présence, mais une grande légèreté et de la rapi­dité dans la manœuvre. Groupés en escadre, les Barbaresques fondent sur le vaisseau chrétien par surprise, et les hommes s'élancent, à l'abordage, bran­dissant les cimeterres et poussant des hurlements qui terrifient l'adversaire. Dans les bonnes saisons, les prises peu­vent atteindre 2 à 3 millions de livres. Les plus gros profits viennent des captifs. Alignés, nus, sur le pont des bateaux, les fers aux pieds, classés en fonction de leur importance sociale, donc de leur valeur, les marchands viennent les exa­miner comme des bêtes. Une fois ache­tés, ils seront esclaves sur un domaine ou grossiront la chiourme. Les femmes finiront dans le harem de quelque potentat. D'une manière générale, les cap­tifs sont libres de pratiquer leur religion, car leur apostasie serait pour l'acqué­reur une mauvaise affaire. On prétend qu'ils sont quelque « vingt mille de la meilleure Chrétienté » pri­sonniers à Alger entre 1621 et 1627. Les chiffres  ne  cessent de grossir dans  la première moitié du XVII' siècle. Devant l'indifférence ou l'impuissance des États, des institutions de charité se démènent pour le rachat des malheureux ou pour procéder à des échanges de prisonniers. En 1640, « Monsieur Vincent » (saint Vincent de Paul), qui a été lui-même esclave à Tunis, fonde son « Œuvre des esclaves » et les « Missions de Barbarie ». Certains captifs parviennent à s'évader, avec la complicité, payée fort cher, d'un surveillant du bagne, personnage interlope qui sert de  passeur.

15-Les Bœufs D'Anatolie

Étrange État que cette régence d'Alger, vassale de la Turquie! Le pouvoir est par­tagé entre la milice des janissaires (l'od-jak) et la corporation des corsaires (la Taïfa des raïs), sous l'autorité du bey-lerbey.

Recrutés en Turquie, ces janissaires ne sont souvent que des paysans illettrés, des vagabonds qui se transforment, à Alger, par la vertu de l'uniforme, en de puissants seigneurs, avec le titre d'effendi, tandis que le plus respecté des notables africains se contente d'un sidi (« Mon­sieur »). C'est à eux qu'incombent la sécurité d'Alger, la mission de surveiller les collectes d'impôt et de réprimer les soulèvements des tribus indociles. Lour­de charge, car la Régence ne contrôle qu'un sixième de l'Algérie! Les Kabyles se révoltent sans cesse, et la collecte d'impôt prend des allures d'expédition militaire. Des forces de réserve indigè­nes, les tribus makhzen, prêtent main-forte à la milice si besoin est. Quant à l'ordre intérieur, il fait l'objet de dispositions très strictes. Les portes de la ville sont barricadées, et, des tours de guet, des observateurs surveillent la mer, signalant les voiles suspectes. Les marchés sont sévèrement contrôlés, la fraude fiscale lourdement punie. Les peines varient selon la nature du délit et l'état civil du coupable : les petites fautes méritent la bastonnade, les voleurs ont la main coupée. Les cas plus graves peu­vent encourir la mort : les Juifs sont brûlés, les chrétiens et les esclaves pendus, les Turcs étranglés. La vie et la mort des janissaires appartiennent à la Régence. Ils sont exemptés d'impôts et touchent, en plus de leur solde, d'importantes rations alimentai­res. Coupables, ils sont jugés et punis dans le secret par le capitaine de l'odjak. Point de vie privée pour eux : sans leur être interdit, le mariage retarde leur avancement, car il amollit le soldat. Quelques-uns passent outre et épousent une indigène. Leurs enfants, les koulough-lis, entreront dans la milice. Brutale, disciplinée, puissante, l'odjak jalouse le prestige des corsaires et n'hésite pas à conspirer. Entre les deux corporations, c'est souvent une guerre larvée. Lorsque le butin est gros, la Taïfa fait respecter sa force par ceux qu'elle nomme avec mépris « les boeufs d'Anatolie »; lorsque le trafic baisse, le pouvoir passe aux janissaires et à leur conseil, le divan.

14-Alger, Capitale De La Piraterie

La taille petite, mais robuste, le nez aquilin, la peau basanée, des cheveux et une barbe absolument rouges : cette silhouette va bientôt inspirer la terreur à tout le bassin méditerranéen. En 1504, le pirate Arûdj, plus connu sous le nom de « Barberousse », réussit son premier exploit : la capture de deux galères pa­pales chargées de marchandises pré­cieuses. Les survivants des équipages sont poussés comme du bétail dans les cales, et la galiote, traînant en remorque les deux vaisseaux chrétiens, cingle vers les côtes de Berbérie pour y chercher abri et écouler le butin. Les Barberousse sont en réalité quatre frères, fils d'un potier grec qui s'est éta­bli à Mytilène après la conquête de l'île par les Turcs. 'Arûdj, lui, s'est fait volon­tairement musulman, puis il s'est enrôlé à bord d'un navire de pirates turcs avant de travailler pour son compte. Son frère Khayr al-Dîn devient bientôt plus illus­tre encore, alliant à la science de la mer l'habileté politique. Suivis par toutes sortes de bandits, renégats, «Turcs par profession », les frères écument la mer, puis se réfugient dans les petits ports africains. Plus une compagnie n'accepte d'assurer les navires en partance, au point que Ferdinand d'Espagne, en sa qualité de souverain de la plus grande puissance maritime et de chef de la chrétienté, décide de barrer la route aux flibustiers.
En 1505, l'armada prend Mers el-Kébir, le meilleur mouillage de la côte. En 1509, avec dix galères, vingt-deux caravelles et plus de vingt mille soldats, Pedro Navarro enlève Oran, où le cardinal Cisneros, «revêtu des habits pontificaux et précédé d'un franciscain qui arbore la croix du primat d'Espagne », préside à la consécration de deux mosquées. En 1510, Bougie (Bejaïa) ouvre ses portes. Puis c'est Alger qui livre sans combat l'îlot rocheux barrant son port, sur lequel Pedro Navarro élève la forteresse du Penon. Ténès, Cherchell, Mostaganem font à leur tour leur soumission et paient le tribut au roi d'Espagne. Le sort des garnisons espagnoles installées sur la côte est d'ailleurs précaire. Barricadés dans leurs forts, les soldats manquent d'eau et de nourriture et touchent irrégulièrement leur solde, réduits pour survivre  à faire  des   razzias  dans  les campagnes. Une relation de 1540 ré­vèle qu'à Bône (auj. Annaba) les soldats « par désespoir voulaient se faire Maures »!
La forteresse du Penon, dont les canons menacent Alger à une distance de 300 mètres, est vraiment « l'épine dans le cœur de l'Islam »! Le cheikh d'Alger appelle 'Arûdj à son aide pour le débar­rasser des Espagnols. 'Arùdj lève une armée de Berbères et accourt : s'il ne réussit pas à enlever l'îlot, il arbitre à son profit une révolte intérieure et fait étrangler le cheikh, dont il prend la place. Maître d'Alger, le pirate s'empare en­suite de Tlemcen, où il rafle le trésor des derniers Abdalwâdides. Charles Quint, successeur de Ferdinand, reprend l'offensive contre les pirates et attaque Alger. La ville résiste, mais 'Arûdj, pour­chassé, trouve la mort pendant le combat. Son frère, Khayr al-Dïn Barberousse, recueille l'héritage.
C'est alors que, pour se sortir d'une situation militairement peu brillante, Barberousse a l'ingénieuse idée de prê­ter hommage au sultan de Constantinople, Selim, qui lui confère en retour le titre de pacha, et surtout lui envoie deux mille janissaires, des mousquets et des canons. Avec ces renforts, il reprend la guerre de course, regarnit ses coffres et entre à Alger. Il parvient même, après trois semaines de combat, à enlever le Penon (1529). La forteresse est aussitôt démolie, et, avec ses vestiges, des captifs chrétiens construisent une digue ratta­chant l'îlot à la côte. Nommé beyler-bey et grand amiral de la flotte turque, Khayr al-Dîn finira ses jours dans un somptueux palais du Bosphore.

Alger est ainsi devenue la capitale de la piraterie, protégée par un môle et des remparts solides. Charles Quint, vain­queur à Tunis, échoue devant ses murs, malgré une puissante escadre et le concours des chevaliers de Malte : des vents violents et un déluge de pluie dis­persent ses  navires en 1541.

13-Le Bref Éclat De Tlemcen

La vie au royaume de Tlemcen devait présenter beaucoup d'agrément. Ados­sée à une colline au milieu des vergers et des treilles, bruissante de sources et de fontaines, la ville ressemble, dit un poète arabe, à « une jeune fiancée sur son lit nuptial »! Elle doit sa prospérité à une personnalité de premier plan, Yaghmoràçan (1208-1283), qui réussit à pacifier les frontières et à sédentariser les nomades.
Située à un carrefour de routes, des caravanes chargées d'or transitent par ses  murs.
Pareille fortune suscite l'envie. Prise entre les Hafsides et les puissants Méri­nides, Tlemcen a trop de prétendants. Abou Yacoub, le sultan mérinide de Fès, en fera le siège pendant huit ans (1299-1307), à coups de bombardes et de catapultes. Et il se lasse si peu qu'il transforme son camp en une véritable ville, Mansoura (la « victorieuse »). Le siège se prolonge; caravansérails, mos­quées et palais s'élèvent à Mansoura, tandis qu'en face, les habitants de Tlem­cen finissent par manger des rats et des serpents.
Céderont-ils? La légende raconte qu'alors, une vieille femme, Aïcha, aurait eu l'ingénieuse idée de nourrir en cachette un veau, puis de le lâcher, gros et gras, hors de l'enceinte, devant des assiégeants perplexes : si les gens de la ville engraissaient leurs bêtes avec du blé, c'était que leurs réserves étaient inépuisables... Et, découragés, ils au­raient levé le siège sans tarder. La vérité est moins romanesque : le sultan ayant été assassiné par un de ses eunuques, ses troupes se replièrent. Trente ans plus tard, les Mérinides relèvent Mansoura et renouvellent l'attaque contre Tlemcen, l'obligeant cette fois à céder. La ville est mise à sac tandis que le roi, ses trois fils et le vizir ont la tête tranchée. La victoire d'Abou el-Hassan entraîne l'annexion du royaume de Tlemcen, qui connaît alors une remarquable prospérité. Les échanges s'y dé­veloppent, la vie est fastueuse, le souverain offre des fêtes splendides aux émissaires de la chrétienté. Mais Tlem­cen sera pourtant à nouveau perdue, et les derniers Abdalwâdides retrouveront leur indépendance précaire entre Fès et Tunis.

Le Maghreb se replie sur lui-même. Les Berbères des montagnes retournent à leurs coutumes, les royaumes se morcèlent en petites principautés. Le com­merce décline : c'est une période de stagnation et d'anarchie, que les Turcs et les chrétiens vont mettre à profit pour s'insinuer...

12-La Berbérie Aux Berbères

Désormais coupé de l'Orient par ces flots de sang et ces ruines, le Maghreb cherche sa voie à l'ouest. Pour la pre­mière fois, il va trouver son unité sous deux dynasties purement berbères, qui feront la gloire du Maroc, les Almora-vides et les Almohades. Fait significatif, ces deux noms ne désignent pas des tribus mais des attitudes religieuses : les Almoravides sont « les gens du ribat », moines armés qui mènent une vie ascé­tique dans un couvent militaire; les Almohades sont « ceux qui prêchent l'unité   de   Dieu   ».
Berbères nomades du Sahara, les pre­miers portent un voile qui leur cache la figure et les protège du mauvais œil. D'une foi intransigeante, ils suivent leur chef Ibn Tâchfïn à Agadir, Tlemcen, Oran, Alger (1082), et diffusent dans le Maghreb le sunnisme de rite malékite. En 1085, sur l'appel du calife de Cor-doue, ils traversent le détroit et battent les troupes castillanes de la Reconquista. Mais le raffinement de la civilisation an-dalouse a raison de leurs ardeurs guer­rières, et la dynastie s'effondre en 1147, sans avoir pu conquérir le Maghreb oriental.
Les Almohades relèvent le flambeau, qu'ils porteront plus haut et plus loin encore. Le fondateur de la nouvelle dynastie, 'Abd el-Moumen, est le fils d'un potier qui a étudié le Coran à la mosquée de Tlemcen. Sa ferveur, son austérité, son sens militaire en font une des gran­des figures du Maghreb. Il enlève Tlem­cen aux Almoravides, prend Bougie et écrase les Béni Hilâl à Sétif en un combat mémorable, appelé « combat de fem­mes », car celles-ci sont présentes, comme aux temps héroïques, pour dé­cupler le courage des guerriers. En 1160, les Almohades régnent sur toute la Berbérie.
Cependant l'Empire esttrop étendu pour rester longtemps uni.

En Andalousie, les armées catholiques regagnent du terrain, et les troupes musulmanes ne peuvent assurer la paix de Tunis à Marrakech et jusqu'à Séville. L'unité résiste mal aux révoltes des tribus, aux querelles de succession, aux révolu­tions de palais, et les derniers Almohades, cantonnés dans la région de Marrakech, tombent en 1269. Sur les ruines de l'Em­pire almohade s'édifient trois royaumes qui connaîtront tour à tour leur heure de gloire : celui des Hafsides à Tunis, des Abdalwâdides à Tlemcen et des Mérinides à Fès. A l'Algérie actuelle correspondent le royaume de Tlemcen et une partie du royaume hafside de Tunis.

Histoire Sans Fin


Le 21 Novembre 1832, année 1210 de l’hégire, quatre cent cavaliers arables vont chercher en grande pompe Abd el-Kader dans sa maison natale, à la guetna de l’oued Al-Hammam, Près de Mascara. Lorsqu’il paraît devant la foule, entouré de son escorte, des ovations l’accueillent : (Sultan ! Sultan) Trop intelligent pour accepter un titre plus turc qu’arabe ou berbère, Abd el-Kader prend celui d’émir et entre à Mascara, ou il fait dire la prière dans les mosquées au nom de l’imam de Fès.

Agé de vingt-quatre ans, le jeune émir n’est encore que l’élu de quelques tribus qui se battent contre l’occupant : un rebelle sans terre ni armée. Beaucoup de ses coreligionnaires ont préféré pactiser avec les Français ; on ne reconnait pas son autorité au-delà de l’Oranie.
Mais en quelques mois il va s’imposer comme le chef indiscuté d’une coalition de tribus et parler d’égal à égal avec le représentant du roi des Français.

Destin exemplaire ! De Jugurtha à Abd el-Kader, toute l’histoire de l’Algérie est ponctuée par ces insurrections de chefs berbères ou arabo-berbères qui se sont soulevés contre les conquérants étrangers et ont tenté de regrouper les tribus dissidents. A des hommes de cette trempe, le pays doit d’avoir pu surmonter ses divisions tribales et se constituer en État.
Car l’histoire de l’Algérie manque d’unité. Inséparable de l’évolution du Maghreb, elle est l’histoire chaotique des dominations successives, punique, romaine, vandale, byzantine, arabe turque et française, et des luttes intermittentes des tribus pour leur indépendance.


Ni la configuration du sol ni les structures ethniques n’ont favorisé la formation d’une nation : les collines boisées coupées par des oueds, les montagnes âpres et impénétrables, alternant avec des vallées profondes, délimitent des régions closes ou chaque tribu a ses particularismes économiques et sociaux.

03-Le Défi de Jugurtha

Dans un premier temps, Rome juge plus sage et moins coûteux d’administrer sa nouvelle conquête par l’intermédiaire des chefs berbères. Le partage du pouvoir, le luxe, les honneurs ont affaibli les successeurs du vieux roi. Mais jugurtha, le petit-fils de Massinissa, refuse de jouer les princes de parade, méprise Rome, (ville à vendre et condamnés à périr) et il achète sans vergogne les services des sénateurs qui, en retour, appuient ses revendications en Afrique.
Soudoyant des uns, assassinant les autres, guerroyant sans cesse, Jugurtha élimine ses rivaux et domine la Numédie. Pour Rome, le voici devenu aussi dangereux qu’Hannibal !
Les hostilités recommencent en 111 av.J-C., Rusé, en durant, mobile, le Numide adopte la tactique de la guérilla, esquivant les combats de ligne, mais isolant l’adversaire, qu’il harcèle nuit et jour par des embuscades et de petits accrochages. Contre ces cavaliers insaisissables, parfaitement adaptés au terrain, que peuvent les légionnaires romains, accablés par les quelque 30 ou 40 Kilos d’un équipement qu’ils trainent sous un soleil de plomb.
La guerre dure sept ans. Rome use en vain ses meilleurs généraux. Et c’est finalement la trahison du roi des Maures, Bocchus, dont il a épousé la fille, qui livre le fier Numide à Sylla. Jugurtha devra marcher, enchaîné, derrière le char des triomphateurs, avant de mourir, étranglé, dans un cachot du Tullianum, à Rome. La main des vainqueurs s’abat lourdement sur l’Afrique, et les successeurs de Jugurtha, contraints à faire des guerres qui ne les concernent pas, méritant bien le nom dont on les gratifie : reges servientes, les (rois esclaves).

En 40 apr. J-C., l’empereur Claude met fin à la fiction des royaumes berbères. L’Afrique est alors découpée en quatre provinces, la proconsulaire, la Numidie, la Mauritanie Césarienne et la Mauritanie Tingitante. À l’Algérie actuelle correspondent la Numidie (Constantine) et la Mauritanie Césarienne (Alger et Oran). À l’ouest, la pénétration romaine s’étendra rarement à plus de 150 kilomètres de la côte ; elle mordra sur les Aurès, longtemps réfractaires, sans réussir à gagner les Hautes Plaines de l’Algérois et de l’Oranais.

09-Chevauchées Guerrières

« Le paradis est à l'ombre des épées ». a dit Mahomet (QSSSL). On sait avec quelle rapi, dité stupéfiante les hordes de Bédouin se sont transformées en troupes organisées d'archers et de cavaliers. Ces combattants de la foi sont, en même temps que des soldats, des missionnaires, des administrateurs et des commerçants. Vue de l'Arabie, l'Afrique apparaît, avec ses champs de blé, ses labours, ses vergers, comme une proie bonne à piller. Le général 'Amr s'apprête à s'en saisir, lorsque le calife 'Omar, deuxième suc­cesseur du Prophète, l'arrête : l'« Ifrîqiyya » est le pays du « lointain perfide. Grâce aux disputes intérieures du cali­fat, le Maghreb échappe plusieurs an­nées à la conquête, et les Berbères, malgré quelques razzias, au cours d'une desquelles l'exarque Grégoire trouve la mort, retournent à leur culte. Cepen­dant, en 670, Okba ben Nâfi, puis, vingt-cinq ans plus tard, Hassan ibn al-Nu'mân reprennent leurs « chevau­chées guerrières » jusqu'à l'Atlantique. Tandis que les Byzantins se déchirent en vaines querelles théologiques, un véri­table maquis s'organise contre l'occupant dans les montagnes de l'Aurès. Le Berbère Kosaïla réussit quelque temps à refouler les Arabes et à occuper Kai-rouan, où il constitue un royaume vers 689. De l'Aurès part également la lutte farouche menée par la prophétesse ber­bère de religion juive, la Kâhina; elle regroupe les insurgés, écrase les Arabes et, pourchassée, brûle la terre derrière elle, avant de tomber, en 702, près de Baghaï. Sa tête est envoyée au calife; ses fils se mettent au service des vain­queurs; c'est l'effondrement de la résis­tance.

Les tribus sédentaires n'aspirent qu'à la paix et passent à l'islam. Les envahis­seurs ne semblent plus devoir rencontrer d'obstacle. Mais les bandes arabes sont trop peu nombreuses pour occuper le pays et les Berbères trop indépendants pour se soumettre sans murmurer aux exigences fiscales et aux mesures vexatoires des gouverneurs. Ils avaient mas­sivement embrassé le schisme donatiste contre l'Église catholique romaine, ils vont maintenant opposer le schisme khâridjite à la religion officielle et présenter leurs revendications sur le terrain religieux.

10-Éternels Dissidents

Les khâridjites sont partisans d'un calife élu par la communauté et non plus héré­ditaire : tout fidèle, s'il en est digne, peut être choisi comme calife, « en dehors de tout privilège de race, fût-il esclave noir ». Cette doctrine égalitaire répond aux exigences d'un peuple pau-< vre et épris d'absolu. Les grosses tribus dissidentes se regroupent autour d'un porteur d'eau, Maïsara, et les khârid­jites occupent Kairouan, d'où ils sont délogés par le gouverneur d'Egypte (761). Cependant, les Arabes ne sont pas assez forts pour imposer leur loi au-delà de l'Ifrïqiyya, et c'est un Persan, Ibn Rostem, qui fonde, au nom de la nouvelle doctrine, le royaume de Tâhert (787). Le schisme gagne Tlemcen et Sidjilmâsa.
Le royaume de Tâherf devient vite floris­sant. L'imâm, élu par la communauté, mène une vie d'ascète, dans un souci de purification; il se nourrit de lait, dort sur un coussin, ne touche jamais d'argent de ses mains; on lui rend visite de loin, car il gouverne justement, dans le respect du Coran et sous le contrôle des docteurs. L'organisation de la société repose sur une économie communau­taire; des percepteurs prélèvent la dîme sur les récoltes et les troupeaux et répar­tissent le produit également entre tous. Ce royaume paisible ne saura pas se défendre contre les troupes chiites (911), et, après la destruction de Tâhert, les khâridjites émigreront aux confins du Sahara, à Ouargla et au Mzab, où vivent toujours leurs descendants. Ce sont les Kotâma, farouches monta­gnards de Petite Kabylie, qui provoquent l'effondrement de Tâhert. Quelques-uns de leurs chefs ont été convertis, pendant un voyage à La Mecque, à la doctrine chiite, laquelle ne reconnaît pour calife qu'un descendant de la fille du Prophète, Fâtima, et de son gendre, 'Ali. Cet homme prédestiné, le Mahdi, reste caché et invisible, mais il doit réapparaître un jour; et, tandis que les fidèles vivent dans une pieuse attente, le Mahdï se fait connaître au Xe siècle, en la personne d'un Syrien, alors prisonnier dans le Tafilalet, 'Obaïd Allah. Son lieutenant, le missionnaire Abou 'Abd Allah, vif chez les Kotâma, dans les montagnes sauvages de Petite Kabylie, et, de là, lance ses raids contre les khâridjifes, puis contre les maîtres de Kairouan, les Aghlabides.

Victorieuse, l'armée chiite tire le Mahdï de prison, lequel, craignant une riva­lité de pouvoir, s'empresse d'exécuter son lieutenant, avec la bénédiction d'Al­lah. Officiellement proclamé «comman­deur des croyants », 'Obaïd Allah choisit pour capitale la ville fortifiée de Mah-dia (« la ville du Mahdï »), sur la côte tunisienne. Pour l'héritier du Prophète, il ne s'agit encore que d'une étape : son objectif est de s'emparer de l'Egypte, où ses descendants imposeront la dynastie fâtimide autour de 970. Restée maître de la Berbérie, la tribu Sanhâdja (Kotâma) fonde la dynastie des Zîrides.

11-Une «nuée de sauterelles»

Ce sont des temps troublés pour le Ma­ghreb, où les ambitions politiques et les rivalités tribales alimentent le fanatisme religieux. Les Fâtimides font régner une fiscalité impitoyable; les nomades multi­plient les razzias; et les faux prophètes surgissent, comme cet Abou Yazïd, dit « l'homme à l'âne », Zénète khâridjite qui prêche la rébellion en images san­glantes, et finit, la peau empaillée, dans une cage où deux singes ont été dressés à lui tirer la barbe! Les Zîrides, maîtres du Maghreb oriental, se heurtent aux Zénètes nomades, qui tiennent la partie occidentale avec l'appui des califes de CordoUe : l'Algérie, au milieu des zones d'influence, sert de champ clos à leurs rivalités.

Et pourtant, ces deux siècles d'occupa­tion arabe, où les dynasties semblent se succéder comme vagues sur le sable, transforment en profondeur le Maghreb. La population berbère assimile la nou­velle civilisation, et la campagne, à en juger les descriptions du géographe Bekri, est prospère. Mais en 1051, des hordes de Bédouins, qui dévastaient l'Egypte, tombent sur l'Afrique comme une « nuée de sauterelles », raconte le grand historien Ibn Khaldùn. C'est pour se venger des Zîrides, devenus indépen­dants, que le calife d'Egypte a lancé ces pillards — les Béni Hilâl et les Béni Soleïm — sur l'Afrique rebelle. Leurs troupeaux saccagent forêts et vergers; les terres cultivées retournent en friche; les bourgs brûlent, les notables sont massacrés. Tout un équilibre s'ef­fondre. En même temps, la langue bé­douine se propage tandis que les races se mêlent. Affamés, chassés de leurs terres, beaucoup de Berbères affluent sur les côtes, où ils vont se livrer au trafic maritime avec la Sicile et même à la piraterie.

04-Un Miracle Économique

Un cadastre, des lois, une extraordinaire activité économique, de grands travaux d’urbanisme, tels sont les apports de l’administration romaine, soucieuse avant tout de rentabilité. Une légion, la IIIe  Augusta, cantonnée à Tébessa puis à Lambèse, défend les frontières contre les raids de nomades : 5 500 hommes, renforcés d’auxiliaires indigènes qui, progressivement, remplaceront les effectifs latins. Les limes, ligne fortifiée, constitue un système de défense en profondeur.
Tandis que les régions de l’Ouest restent peu sûres, la Numédie et la Mauritanie Césarienne connaissent une prospérité remarquable. Rome y impose la culture du blé, dont elle a besoin, et accroît les surfaces emblavées, Des travaux de terrassement, des barrages sur les oueds, de grands aqueducs, comme celui de Cherchell, long de 28 Kilomètres, permettent de capter l’eau, d’irriguer les champs et d’alimenter les petites bourgades. À partir de Septime Sévère, devant les excès de la monoculture, l’agriculture retrouve la diversité qu’elle connaissait sous les puniques : vigne, olivettes dont l’huile sert à la toilette et à l’éclairage, cultures vivrières, ect.
Les cités se multiplient sur la côte et dans l’intérieur, reliées par des routes, tantôt cités (pérégrines) qui s’administrent selon leurs traditions, tantôt (municipes), promues au droit romain.
En Proconsulaire et en Numidie, la densité de la population dépasse 100 habitants au kilomètre carré. À Timgad fondée par Trajan, à Cuicul, fondée par Nerva, à Sitifis, ce sont des colonies de vétérans de la IIIe Augusta, soldats-agriculteurs, qui s’installent et mettent en valeur les terres, prêtant main-forte, si besoin est, aux troupes d’active.
À part les villes puniques qui ont conservé leurs vieux quartiers et leur plan irrégulier, les nouvelles agglomérations sont carrées de rues perpendiculaires. Comme toutes les villes romaines, elles comportent un ou deux forums, ou se traitent les affaires, un temple, des thermes,  un théâtre, des colonnades et des pratiques pour se protéger du soleil. Il n’est pas rare que les maisons un peu cossues, généralement à un étage dotées d’une piscine et de beaux jardins.

Entre les degrés de la hiérarchie sociale, il n’existe pas de cloisons tout à fait étanches. Les Romains immigrés de veille date jouissent de grands privilèges, mais tout indigène peut, en récompense de sa fidélité, accéder à la citoyenneté romaine et porter la toge. Avec un peu d’habilité et beaucoup de travail, il achètera une terre, puis une charge de magistrat. Dès le IIe siècle, de nombreuses familles comptent en leur sein un fonctionnaire, un consul, un chevalier, voire un sénateur ! Et en 197, c’est un Africain, Septime Sévère, qui devient empereur.

05-L’Afrique en crise


Cependant, la majorité de la population croupit dans la pauvreté. Esclaves, journaliers agricoles sans terre ni droits politiques, paysans miséreux vivent en marge du progrès, ne connaissent que les dialectes libyens et meurent de faim, une fois payés les lourds tributs en céréales qu'exigent les autorités d'occupation. Comment s'étonner que ce prolétariat misérable vienne grossir le rang des rebelles? La première grave révolte éclate sous Tibère, en 16. Désertant l'armée romaine, le Numide Tacfarinas rassemble les hommes de la tribu des Musulames, incendie le bled et tient tête plusieurs années aux Romains. En Mauritanie, la paix est si précaire, malgré le limes, que les habitants vivent dans la terreur des razzias et s'organisent en camp retranché : leurs fermes fortifiées, comme des tours de guet dans la plaine, ne res­semblent guère aux gracieuses villas de la côte! En 253, une grave insurrection se développe aux confins de la Numidie et de la Mauritanie Césarienne. Les Ka­byles, exaspérés par des charges fiscales de plus en plus lourdes, fondent sur les domaines. Bien souvent, les chefs de bande trouvent des complicités dans des bourgs, et des repaires dans la montagne. À partir du IVe siècle, l'agitation paysanne devient endémique. Elle s'alimente des mécontentements des tribus nomades, parquées dans des réserves aux confins du désert, qui ne disposent plus d'assez d'espace pour survivre et doivent se résigner à chercher du travail sur les domaines. En temps de crise ou en mauvaise saison, ces malheureux rôdent autour des fermes et des celliers — d'où leur nom de « circoncellions » — sans trouver d'embauché, réduits à la famine. Leur révolte secoue l'Afrique d'autant plus violemment qu'elle s'appuie sur le mouvement religieux donafiste. L'empereur Dioclétien (283-305) a cer­tes renforcé ses dispositifs militaires et modifié le découpage des provinces. Mais ces mesures viennent trop tard. Les temps ont changé. Le christianisme s'est infiltré dès la fin du II* siècle, et les Afri­cains se sont convertis en masse, autant par conviction que par réaction contre Rome. On les persécute? Ils s'entêtent. Le sang des martyrs vivifie leur foi, L'édit de Constantin (313), reconnaissant la liberté religieuse, n'apporte pas la paix, dans une Afrique brûlante, portée aux extrêmes. Les survivants des gran­des persécutions réclament des comptes à ceux qui ont collaboré, apostasie ou se sont simplement cachés. Délations, intrigues, règlements de comptes : c'est l'atmosphère empoisonnée de l'épura­tion. Le diacre Donat pourchasse les « fraditeurs » et fonde l'« Église des saints », pure et intransigeante. Soutenu par ceux qui ne supportent pas la tutelle romaine, il trouve partout des complici­tés, au point de dominer la Numidie : on se fait donatiste pour gagner un procès ou obtenir une charge. Un évêque dona-tisfe interdit même aux boulangers de la ville de cuire du pain pour des catho­liques! Dégradée par une minorité de violents,   l'Eglise  des  saints  s'arrange avec des bandits et des troupes d'ou­vriers agricoles révoltés pour faire fa chasse aux catholiques romains. Et c'est l'effroyable jacquerie des circoncellions, vagabonds fanatiques qui volent, incen­dient, mutilent, enlèvent femmes et en-fanfs, aux cris de Deo laudes. Dans ces temps d'anarchie, hérésies et insurrec­tions se multiplient. Deux chefs berbè­res, Firmus et Gildon, essaient même de transformer pour leur compte l'Afrique en royaume indépendant (375), en pro­fitant de la décomposition croissante de l'Empire romain.