La vie au royaume de Tlemcen devait présenter
beaucoup d'agrément. Adossée à une colline au milieu des vergers et des treilles,
bruissante de sources et de fontaines, la ville ressemble, dit un poète arabe,
à « une jeune fiancée sur son lit nuptial »!
Elle doit sa prospérité à une
personnalité de premier plan, Yaghmoràçan
(1208-1283), qui réussit à pacifier
les frontières et à sédentariser les
nomades.
Située à un carrefour de routes, des caravanes
chargées d'or transitent par ses
murs.
Pareille fortune suscite l'envie. Prise entre les Hafsides et les puissants Mérinides,
Tlemcen a trop de prétendants. Abou Yacoub, le sultan mérinide de Fès, en
fera le siège pendant huit ans (1299-1307), à coups de bombardes
et de catapultes. Et il se lasse si peu qu'il transforme son camp en une véritable ville,
Mansoura (la « victorieuse »). Le siège se
prolonge; caravansérails, mosquées et palais s'élèvent à Mansoura, tandis qu'en face, les habitants de Tlemcen finissent par manger des rats et des serpents.
Céderont-ils? La légende
raconte qu'alors, une vieille femme, Aïcha, aurait eu l'ingénieuse idée
de nourrir en cachette un veau, puis de le lâcher, gros et gras, hors de
l'enceinte, devant des assiégeants
perplexes : si les gens de la ville
engraissaient leurs bêtes avec du blé, c'était que leurs réserves étaient inépuisables...
Et, découragés, ils auraient levé le siège sans tarder. La vérité
est moins romanesque : le sultan ayant été assassiné par un
de ses eunuques, ses troupes se replièrent. Trente ans plus tard,
les Mérinides relèvent Mansoura et renouvellent l'attaque contre Tlemcen, l'obligeant cette fois à céder.
La ville est mise à sac tandis que le
roi, ses trois fils et le vizir ont la tête tranchée. La victoire d'Abou
el-Hassan entraîne l'annexion du royaume de Tlemcen, qui connaît alors une remarquable prospérité. Les échanges s'y développent, la vie est fastueuse, le souverain offre des fêtes splendides aux émissaires de la chrétienté. Mais Tlemcen sera pourtant à nouveau perdue, et les
derniers Abdalwâdides retrouveront leur
indépendance précaire entre Fès et Tunis.
Le Maghreb se replie sur lui-même.
Les Berbères des montagnes retournent à leurs coutumes, les
royaumes se morcèlent en petites principautés. Le commerce
décline : c'est une période de stagnation et d'anarchie, que les Turcs et
les chrétiens vont mettre à profit pour s'insinuer...
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