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15-Les Bœufs D'Anatolie

Étrange État que cette régence d'Alger, vassale de la Turquie! Le pouvoir est par­tagé entre la milice des janissaires (l'od-jak) et la corporation des corsaires (la Taïfa des raïs), sous l'autorité du bey-lerbey.

Recrutés en Turquie, ces janissaires ne sont souvent que des paysans illettrés, des vagabonds qui se transforment, à Alger, par la vertu de l'uniforme, en de puissants seigneurs, avec le titre d'effendi, tandis que le plus respecté des notables africains se contente d'un sidi (« Mon­sieur »). C'est à eux qu'incombent la sécurité d'Alger, la mission de surveiller les collectes d'impôt et de réprimer les soulèvements des tribus indociles. Lour­de charge, car la Régence ne contrôle qu'un sixième de l'Algérie! Les Kabyles se révoltent sans cesse, et la collecte d'impôt prend des allures d'expédition militaire. Des forces de réserve indigè­nes, les tribus makhzen, prêtent main-forte à la milice si besoin est. Quant à l'ordre intérieur, il fait l'objet de dispositions très strictes. Les portes de la ville sont barricadées, et, des tours de guet, des observateurs surveillent la mer, signalant les voiles suspectes. Les marchés sont sévèrement contrôlés, la fraude fiscale lourdement punie. Les peines varient selon la nature du délit et l'état civil du coupable : les petites fautes méritent la bastonnade, les voleurs ont la main coupée. Les cas plus graves peu­vent encourir la mort : les Juifs sont brûlés, les chrétiens et les esclaves pendus, les Turcs étranglés. La vie et la mort des janissaires appartiennent à la Régence. Ils sont exemptés d'impôts et touchent, en plus de leur solde, d'importantes rations alimentai­res. Coupables, ils sont jugés et punis dans le secret par le capitaine de l'odjak. Point de vie privée pour eux : sans leur être interdit, le mariage retarde leur avancement, car il amollit le soldat. Quelques-uns passent outre et épousent une indigène. Leurs enfants, les koulough-lis, entreront dans la milice. Brutale, disciplinée, puissante, l'odjak jalouse le prestige des corsaires et n'hésite pas à conspirer. Entre les deux corporations, c'est souvent une guerre larvée. Lorsque le butin est gros, la Taïfa fait respecter sa force par ceux qu'elle nomme avec mépris « les boeufs d'Anatolie »; lorsque le trafic baisse, le pouvoir passe aux janissaires et à leur conseil, le divan.

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