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05-L’Afrique en crise


Cependant, la majorité de la population croupit dans la pauvreté. Esclaves, journaliers agricoles sans terre ni droits politiques, paysans miséreux vivent en marge du progrès, ne connaissent que les dialectes libyens et meurent de faim, une fois payés les lourds tributs en céréales qu'exigent les autorités d'occupation. Comment s'étonner que ce prolétariat misérable vienne grossir le rang des rebelles? La première grave révolte éclate sous Tibère, en 16. Désertant l'armée romaine, le Numide Tacfarinas rassemble les hommes de la tribu des Musulames, incendie le bled et tient tête plusieurs années aux Romains. En Mauritanie, la paix est si précaire, malgré le limes, que les habitants vivent dans la terreur des razzias et s'organisent en camp retranché : leurs fermes fortifiées, comme des tours de guet dans la plaine, ne res­semblent guère aux gracieuses villas de la côte! En 253, une grave insurrection se développe aux confins de la Numidie et de la Mauritanie Césarienne. Les Ka­byles, exaspérés par des charges fiscales de plus en plus lourdes, fondent sur les domaines. Bien souvent, les chefs de bande trouvent des complicités dans des bourgs, et des repaires dans la montagne. À partir du IVe siècle, l'agitation paysanne devient endémique. Elle s'alimente des mécontentements des tribus nomades, parquées dans des réserves aux confins du désert, qui ne disposent plus d'assez d'espace pour survivre et doivent se résigner à chercher du travail sur les domaines. En temps de crise ou en mauvaise saison, ces malheureux rôdent autour des fermes et des celliers — d'où leur nom de « circoncellions » — sans trouver d'embauché, réduits à la famine. Leur révolte secoue l'Afrique d'autant plus violemment qu'elle s'appuie sur le mouvement religieux donafiste. L'empereur Dioclétien (283-305) a cer­tes renforcé ses dispositifs militaires et modifié le découpage des provinces. Mais ces mesures viennent trop tard. Les temps ont changé. Le christianisme s'est infiltré dès la fin du II* siècle, et les Afri­cains se sont convertis en masse, autant par conviction que par réaction contre Rome. On les persécute? Ils s'entêtent. Le sang des martyrs vivifie leur foi, L'édit de Constantin (313), reconnaissant la liberté religieuse, n'apporte pas la paix, dans une Afrique brûlante, portée aux extrêmes. Les survivants des gran­des persécutions réclament des comptes à ceux qui ont collaboré, apostasie ou se sont simplement cachés. Délations, intrigues, règlements de comptes : c'est l'atmosphère empoisonnée de l'épura­tion. Le diacre Donat pourchasse les « fraditeurs » et fonde l'« Église des saints », pure et intransigeante. Soutenu par ceux qui ne supportent pas la tutelle romaine, il trouve partout des complici­tés, au point de dominer la Numidie : on se fait donatiste pour gagner un procès ou obtenir une charge. Un évêque dona-tisfe interdit même aux boulangers de la ville de cuire du pain pour des catho­liques! Dégradée par une minorité de violents,   l'Eglise  des  saints  s'arrange avec des bandits et des troupes d'ou­vriers agricoles révoltés pour faire fa chasse aux catholiques romains. Et c'est l'effroyable jacquerie des circoncellions, vagabonds fanatiques qui volent, incen­dient, mutilent, enlèvent femmes et en-fanfs, aux cris de Deo laudes. Dans ces temps d'anarchie, hérésies et insurrec­tions se multiplient. Deux chefs berbè­res, Firmus et Gildon, essaient même de transformer pour leur compte l'Afrique en royaume indépendant (375), en pro­fitant de la décomposition croissante de l'Empire romain.

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