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14-Alger, Capitale De La Piraterie

La taille petite, mais robuste, le nez aquilin, la peau basanée, des cheveux et une barbe absolument rouges : cette silhouette va bientôt inspirer la terreur à tout le bassin méditerranéen. En 1504, le pirate Arûdj, plus connu sous le nom de « Barberousse », réussit son premier exploit : la capture de deux galères pa­pales chargées de marchandises pré­cieuses. Les survivants des équipages sont poussés comme du bétail dans les cales, et la galiote, traînant en remorque les deux vaisseaux chrétiens, cingle vers les côtes de Berbérie pour y chercher abri et écouler le butin. Les Barberousse sont en réalité quatre frères, fils d'un potier grec qui s'est éta­bli à Mytilène après la conquête de l'île par les Turcs. 'Arûdj, lui, s'est fait volon­tairement musulman, puis il s'est enrôlé à bord d'un navire de pirates turcs avant de travailler pour son compte. Son frère Khayr al-Dîn devient bientôt plus illus­tre encore, alliant à la science de la mer l'habileté politique. Suivis par toutes sortes de bandits, renégats, «Turcs par profession », les frères écument la mer, puis se réfugient dans les petits ports africains. Plus une compagnie n'accepte d'assurer les navires en partance, au point que Ferdinand d'Espagne, en sa qualité de souverain de la plus grande puissance maritime et de chef de la chrétienté, décide de barrer la route aux flibustiers.
En 1505, l'armada prend Mers el-Kébir, le meilleur mouillage de la côte. En 1509, avec dix galères, vingt-deux caravelles et plus de vingt mille soldats, Pedro Navarro enlève Oran, où le cardinal Cisneros, «revêtu des habits pontificaux et précédé d'un franciscain qui arbore la croix du primat d'Espagne », préside à la consécration de deux mosquées. En 1510, Bougie (Bejaïa) ouvre ses portes. Puis c'est Alger qui livre sans combat l'îlot rocheux barrant son port, sur lequel Pedro Navarro élève la forteresse du Penon. Ténès, Cherchell, Mostaganem font à leur tour leur soumission et paient le tribut au roi d'Espagne. Le sort des garnisons espagnoles installées sur la côte est d'ailleurs précaire. Barricadés dans leurs forts, les soldats manquent d'eau et de nourriture et touchent irrégulièrement leur solde, réduits pour survivre  à faire  des   razzias  dans  les campagnes. Une relation de 1540 ré­vèle qu'à Bône (auj. Annaba) les soldats « par désespoir voulaient se faire Maures »!
La forteresse du Penon, dont les canons menacent Alger à une distance de 300 mètres, est vraiment « l'épine dans le cœur de l'Islam »! Le cheikh d'Alger appelle 'Arûdj à son aide pour le débar­rasser des Espagnols. 'Arùdj lève une armée de Berbères et accourt : s'il ne réussit pas à enlever l'îlot, il arbitre à son profit une révolte intérieure et fait étrangler le cheikh, dont il prend la place. Maître d'Alger, le pirate s'empare en­suite de Tlemcen, où il rafle le trésor des derniers Abdalwâdides. Charles Quint, successeur de Ferdinand, reprend l'offensive contre les pirates et attaque Alger. La ville résiste, mais 'Arûdj, pour­chassé, trouve la mort pendant le combat. Son frère, Khayr al-Dïn Barberousse, recueille l'héritage.
C'est alors que, pour se sortir d'une situation militairement peu brillante, Barberousse a l'ingénieuse idée de prê­ter hommage au sultan de Constantinople, Selim, qui lui confère en retour le titre de pacha, et surtout lui envoie deux mille janissaires, des mousquets et des canons. Avec ces renforts, il reprend la guerre de course, regarnit ses coffres et entre à Alger. Il parvient même, après trois semaines de combat, à enlever le Penon (1529). La forteresse est aussitôt démolie, et, avec ses vestiges, des captifs chrétiens construisent une digue ratta­chant l'îlot à la côte. Nommé beyler-bey et grand amiral de la flotte turque, Khayr al-Dîn finira ses jours dans un somptueux palais du Bosphore.

Alger est ainsi devenue la capitale de la piraterie, protégée par un môle et des remparts solides. Charles Quint, vain­queur à Tunis, échoue devant ses murs, malgré une puissante escadre et le concours des chevaliers de Malte : des vents violents et un déluge de pluie dis­persent ses  navires en 1541.

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