La taille petite, mais robuste, le nez
aquilin, la peau basanée, des cheveux et une barbe absolument
rouges : cette silhouette va bientôt inspirer la terreur à
tout le bassin méditerranéen. En 1504, le pirate Arûdj, plus
connu sous le nom de « Barberousse », réussit son premier exploit : la capture de
deux galères papales chargées de
marchandises précieuses. Les
survivants des équipages sont poussés
comme du bétail dans les cales, et la
galiote, traînant en remorque les
deux vaisseaux chrétiens, cingle vers les
côtes de Berbérie pour y chercher abri
et écouler le butin. Les Barberousse
sont en réalité quatre frères, fils d'un potier grec qui s'est établi à Mytilène après la conquête de l'île par
les Turcs. 'Arûdj, lui, s'est fait volontairement musulman, puis il s'est
enrôlé à bord d'un navire de pirates turcs
avant de travailler pour son compte. Son frère Khayr al-Dîn devient bientôt plus illustre encore, alliant à la science de la mer l'habileté politique. Suivis par toutes sortes de bandits, renégats, «Turcs par profession
», les frères écument la mer, puis
se réfugient
dans les petits ports africains. Plus une compagnie n'accepte d'assurer
les navires en partance, au point que Ferdinand d'Espagne, en sa qualité
de souverain de la plus grande puissance maritime et de chef de la chrétienté,
décide de barrer la route aux flibustiers.
En 1505, l'armada prend Mers el-Kébir, le
meilleur mouillage de la côte. En 1509, avec dix galères, vingt-deux caravelles et plus de vingt mille soldats,
Pedro Navarro enlève Oran, où le
cardinal Cisneros, «revêtu des
habits pontificaux et précédé d'un
franciscain qui arbore la croix du
primat d'Espagne », préside à la
consécration de deux mosquées. En
1510, Bougie (Bejaïa) ouvre ses portes.
Puis c'est Alger qui livre sans combat l'îlot
rocheux barrant son port, sur lequel
Pedro Navarro élève la forteresse du
Penon. Ténès, Cherchell, Mostaganem font à leur tour leur soumission et paient le tribut au roi d'Espagne. Le sort des garnisons espagnoles installées sur
la côte est d'ailleurs précaire. Barricadés
dans leurs forts, les soldats manquent d'eau et de nourriture et
touchent irrégulièrement leur solde, réduits
pour survivre à faire des
razzias dans les campagnes. Une relation de 1540 révèle
qu'à Bône (auj. Annaba) les soldats « par désespoir voulaient
se faire Maures »!
La forteresse du Penon, dont les canons menacent Alger à
une distance de 300 mètres, est vraiment « l'épine dans le cœur
de l'Islam »! Le cheikh d'Alger appelle 'Arûdj à son aide pour le débarrasser des Espagnols. 'Arùdj lève une armée de Berbères et accourt : s'il ne réussit pas à enlever l'îlot, il arbitre à son profit une révolte intérieure et fait étrangler le cheikh, dont il prend la place. Maître d'Alger, le pirate s'empare ensuite de Tlemcen, où il rafle le trésor des derniers Abdalwâdides. Charles Quint, successeur de Ferdinand, reprend l'offensive contre les pirates et attaque Alger. La ville résiste, mais 'Arûdj, pourchassé, trouve la mort pendant le combat. Son
frère, Khayr al-Dïn Barberousse, recueille
l'héritage.
C'est alors que, pour se sortir d'une situation militairement peu brillante, Barberousse a l'ingénieuse
idée de prêter hommage au sultan de Constantinople,
Selim, qui lui confère en retour le titre de pacha, et
surtout lui envoie deux mille janissaires, des mousquets et des
canons. Avec ces renforts, il reprend la guerre de course,
regarnit ses coffres et entre à Alger. Il parvient même, après trois
semaines de combat, à enlever le Penon (1529). La
forteresse est aussitôt démolie, et, avec ses vestiges, des captifs chrétiens
construisent une digue rattachant l'îlot à
la côte. Nommé beyler-bey et
grand amiral de la flotte turque, Khayr al-Dîn finira ses jours dans un somptueux palais du Bosphore.
Alger
est ainsi devenue la capitale de la piraterie, protégée par un
môle et des remparts
solides. Charles Quint, vainqueur à Tunis,
échoue devant ses murs, malgré une
puissante escadre et le concours des
chevaliers de Malte : des vents violents et un déluge de pluie dispersent
ses navires en 1541.
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