Sans la course, sans l'audace de ces grands
pirates que furent les Grecs Barberousse,
le Sicilien Euldj Alï (bey d'Alger jusqu'en 1588),
Dragut, Hami-dou..., jamais la Régence n'aurait existé. Car tout dépendait du
butin, depuis la solde des janissaires
jusqu'à la pitance de l'ânier.
Sous prétexte de guerre sainte,
la course est en fait une guerre de rapines. Les corsaires commencent par
recruter des équipages rompus à la mer et arment leurs
bateaux (galères à un mât, gréées d'une large voile, chebecs
à trois mâts avec voiles latines, ou encore, au XVIIe siècle, vaisseaux ronds
de haut bord, munis de bouches à feu). Puis vient le jour du départ : on visite un marabout qui donne sa bénédiction et prie pour que les vents soient favorables. Hors du port, la bannière précieuse de la Régence est remplacée par les couleurs d'une puissance européenne. La chiourme des forçats pousse la galiote à la rame, vers les côtes de Naples ou de l'Adriatique : point de voile pour trahir leur présence, mais
une grande légèreté et de la rapidité dans la manœuvre. Groupés en escadre, les Barbaresques fondent sur le vaisseau chrétien par surprise, et les hommes s'élancent, à l'abordage, brandissant les cimeterres et poussant des hurlements qui terrifient l'adversaire. Dans les bonnes saisons, les prises peuvent atteindre 2 à 3 millions de livres. Les plus gros profits viennent des captifs. Alignés, nus, sur le pont des bateaux, les fers aux pieds, classés en fonction de leur importance sociale, donc de leur valeur, les marchands viennent les examiner
comme des bêtes. Une fois achetés,
ils seront esclaves sur un domaine ou
grossiront la chiourme. Les femmes finiront
dans le harem de quelque potentat. D'une manière générale, les captifs
sont libres de pratiquer leur religion, car
leur apostasie serait pour l'acquéreur
une mauvaise affaire. On prétend qu'ils sont quelque « vingt mille de la meilleure Chrétienté » prisonniers à Alger entre 1621 et 1627. Les chiffres
ne cessent de grossir dans la première moitié du XVII'
siècle. Devant l'indifférence ou
l'impuissance des États, des
institutions de charité se démènent pour
le rachat des malheureux ou pour procéder
à des échanges de prisonniers. En
1640, « Monsieur Vincent » (saint Vincent
de Paul), qui a été lui-même esclave
à Tunis, fonde son « Œuvre des esclaves
» et les « Missions de Barbarie ». Certains captifs parviennent à
s'évader, avec la complicité, payée fort cher, d'un surveillant du bagne,
personnage interlope qui sert de passeur.
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